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Témoignage d’agression par François Bouvier

François Bouvier est instructeur ADAC et responsable de la région Ile-de-France. Il y a quelques jours, il a été témoin d’une agression dans le métro à Paris et a décidé d’agir, en appliquant les techniques et l’esprit enseigné, et qu’il enseigne lui-même, à l’Adac.

L’agression

Le mercredi 24 octobre, à 16 h15, je suis en route pour la gare Montparnasse afin d’y prendre un train pour Rennes à 17h14. J’arrive sur le quai de la station Saint-Lazare, ligne 12 du métro, et de suite, j’entends une engueulade à une autre entrée. Un escalier donnant sur le même quai que le mien. Je me rapproche et observe une jeune femme d’une vingtaine d’années prendre à parti un jeune homme (peau mate, cheveux bruns, yeux foncés, dans la vingtaine max, 1m75, 65kg environ, ensemble jogging bleu, tennis, casquette bleue). Autours d’eux, un homme noir de 50 ans environ et deux hommes blancs d’un trentaine d’années. 

La jeune femme parle fort; mais s’exprime clairement en demandant au jeune homme de la laisser tranquille et de s’en aller immédiatement. Le type ne répond pas (et d’ailleurs, il ne s’est pas exprimé une seule fois), mais est proche (un mètre). Il fait de grands gestes, fait mine de ne pas comprendre. Les trois hommes qui les entourent aident la jeune femme en demandant également au jeune homme de la laisser.

A première vue, j’opte pour une querelle d’amoureux ou une frustration mal gérée du gars qui s’est fait rembarrer par la fille. Je reste à une dizaine de mètres et continue à observer la scène, car le comportement du jeune homme ne me semble pas cohérent avec mes interprétations de la scène. Néanmoins, la jeune fille n’est pas seule et je me dis à ce moment là que mon intervention risque plus d’envenimer la situation.

Le métro arrive dans la minute, je monte par une porte. L’altercation continue et la jeune fille va probablement rentrer dans le même wagon que moi; mais à la porte suivante. Il y a du monde dans la rame, mais il reste quelques places assises, seules cinq personnes sont debout. Une fois dans le wagon, je ne saurais pas dire exactement quel paramètre m’a interpellé, mais je perçois un changement dans la situation (haussement de ton, gestes amplifiés). Je décide de laisser ma trottinette électrique qui m’encombre sur place et me dirige vers l’entrée que la jeune fille s’apprête à prendre.

Au moment où j’arrive, la jeune femme crie « Bon maintenant, tu dégages ! » et rentre de le wagon (à ma droite, je suis face au quai). A ce moment là, le jeune homme bondit sur sa main qui tenait un portable (je ne l’avais pas remarqué), mais la femme s’y agrippe. J’avais tout juste initié un mouvement pour lui faire lâcher prise que je perçois dans un coin de mon champs de vision (à gauche) un deuxième type (complice) sortant de nul part pour asséner un coup poing à la fille (sûrement pour lui faire lâcher le portable).

J’ai instinctivement et par réflexe stoppé l’individu par un défonçant latéral jambe gauche à hauteur de plexus mais sous son aisselle étant donné sa position, ce qui l’a projeté à 3 ou 4 mètres sur le quai. Dans la foulée, j’ai amené le deuxième au sol par une clef en aile de poulet accompagnée d’un déplacement rotatif en arrière de manière à me retrouver sur l’individu (le genoux sur sa tête) face à son complice qui visiblement avait été bien impacté par ma frappe et se tenait au sol en gémissant.

Entendant le métro qui allait partir, j’ai décidé de tirer l’individu contenu dans la wagon pour d’une part, ne pas rester avec deux agresseurs à gérer, d’autre part pour rester avec la victime et je dois dire pour ne pas perdre ma trottinette…

J’ai demandé au gens de tirer le signal d’alarme. Chose qui a été faite immédiatement. J’ai demandé ensuite d’appeler la police.

Rapidement, la jeune femme (victime) à voulu « profiter » de la situation pour se venger de sa peur et s’est mise à tirer sur le bras en clef de l’agresseur en criant « Ah, tu fais moins le malin maintenant ! Tu le sens ton bras ? Tu sens comment, je vais te le pêter espèce d’enc**** ! ». J’ai dû la calmer, et pour l’occuper, je lui ai demandée si elle pouvait récupérer ma trottinette laissée au fond du wagon Elle s’est exécutée. J’ai demandé à un témoin qui m’avait l’air fiable de s’agenouiller sur les jambes du mec (qui essayait un peu de s’extirper, mais sans beaucoup de conviction). J’ai également remarqué que ce dernier tentait d’atteindre sa poche arrière de sa main libre. Je l’ai rapidement arrêté et, en fouillant sa poche, j’ai trouvé un petit couteau.

Dans le même temps, des passagers ont commencé à frapper le complice à terre (quelques coups de pieds pas trop méchants).Je leur ai demandé une première fois d’arrêter, ils ne m’ont pas écouté. J’ai donc utilisé la carte de la négociation comme on apprend à le faire à l’ADAC : « Messieurs, ce que vous faites est hors la loi et il y a des caméras là. Lui, il a eu ce qu’il méritait et la police va venir l’embarquer. Si vous continuez, ça va se retourner contre vous inutilement. Avouez que c’est dommage de prendre pour un pauvre type comme lui, qu’en pensez-vous ? » . Ils se sont arrêtés immédiatement.

La personne que je contenais ne bronchait pas trop : sûrement un habitué car j’ai compris entre temps que c’étaient des pickpockets. Il a feint l’étouffement, ce qui a un peu paniqué l’entourage. J’ai vérifié et me suis vite aperçu de son petit jeu. J’ai rassuré les gens et j’ai commencé à lui parler sur un ton rassurant pour que les témoins ne se trompent pas sur mon intention.

Les policiers sont arrivés et l’ont menotté sans me parler. Voyant le deuxième au sol, ils m’ont demandé si c’était de mon fait.

J’ai répondu par l’affirmative. Je pensais que j’allais devoir les suivre au poste (et rater mon train), mais aucune demande de leur part, juste mon nom oralement. Celui qu’ils avaient menotté et mis contre le mur a essayé de se rebeller, visiblement insensible à l’autorité et aux éventuelles suites judiciaires. Le métro à redémarré, les passagers ont applaudis, la plupart des hommes ont commencé à se raconter des histoires (« Ouais, moi j’aurais fait ci, puis ça… blabla »).

Je n’ai ressenti aucune peur ou colère, sûrement parce que l’agression n’était pas dirigée contre moi (je suis d’un naturel peureux).

Tout s’est déroulé par réflexe grâce à l’entraînement en situation que nous pratiquons à l’ADAC et que j’encadre en tant qu’instructeur.

A noter tout de même que 90% de la gestion de l’agression s’est faite avant (observation et placement) et après (gestion des individus au sol, placement et gestions des témoins/victimes), 5 secondes de techniques non létales (préférence pour la contention plutôt que la frappe).

Très heureux d’avoir pu restituer l’enseignement que j’ai reçu et de voir que cela marche !

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