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Pourquoi la défense de rue est différente des autres méthodes de self défense

Eric Quequet, fondateur de l’Académie des arts de combat ainsi que du concept de « défense de rue », a donné ses conseils et ses témoignages au site Face au conflit. Il partage ainsi une vision éclairée, passionnée et professionnelle de la gestion des conflits.

« On doit être capable de voir rapidement à qui et à quoi on a faire, d’évaluer la menace ainsi que les ressources disponibles pour prendre la bonne décision. »

Entretien avec Eric Quequet pour le site Face au conflit

Qui est Eric Quequet ?

J’ai 50 ans. J’ai fondé l’Académie des Arts de combat, conçu et structuré diverses méthodes de self défense : la Savate Défense, tout d’abord, pour le compte de la Fédération de Savate Boxe Française, la Défense de rue intégrant la Boxe de rue de Robert Paturel, la lutte de rue et les armes de rue, le Concept d’Adaptation Tactique en Situation (CATS).

J’ai été policier durant 14 ans. Pendant cette période, je suis passé de l’anti-criminalité à la protection des hautes personnalités, notamment du Président Jacques Chirac. Actuellement, j’enseigne la gestion de conflit auprès d’entreprises confrontées à des publics difficiles.

Quel est le parcours d’Eric Quequet ?

J’ai commencé par me battre comme un chiffonnier à l’école. Je mentionne cet épisode car ce que l’on apprend quand on est petit reste gravé à vie. J’avais un frère pas très bien dans ses pompes. Il m’a fallu le défendre depuis tout petit jusqu’à l’âge adulte. Que quelqu’un vienne l’ennuyer et je devenais dingue et très violent, je n’avais peur de rien. A 14 ans, j’ai rencontré le Judo. J’aimais bien le fait de me libérer de mon agressivité et devenir zen à la maison. Cela a commencé à me canaliser. A 16 ans, j’ai découvert le Karaté et ce fut le coup de foudre. J’ai beaucoup aimé la discipline, l’intensité de l’entraînement, la sensation de devenir plus fort ainsi que l’aspect martial et traditionnel. Comme j’avais des facilités, j’ai progressé très vite en m’entraînant deux fois par semaine. Ensuite, je suis allé à l’armée à 18 ans. Je n’y ai fait que courir, c’était mon époque semi-marathon. On m’a offert des gants de boxe et j’ai commencé à me battre de façon empirique avec les potes de l’armée.

A 20 ans, je suis rentré à l’école de Police de Vannes. J’y ai choisi les sports de combat et je me suis retrouvé avec pas mal de pratiquants. Un jour, confronté à un boxeur français, j’ai pris une belle raclée et cela m’a poussé à en apprendre plus sur ce sport magnifique et bien de chez nous que j’ignorais jusqu’alors. La compétition me faisait peur : il a fallu que j’en fasse ! J’ai fait 10 combats. J’en ai gagné neuf à l’unanimité et j’en ai perdu un par décision (nous étions ex aequo, mais ce n’est pas possible en championnat donc on décide « qui reste »). En parallèle, j’ai passé un monitorat de Savate Boxe Française (SBF), puis dans la foulée un Brevet d’état 1er degré pour lequel je suis arrivé Major au tronc commun et au spécifique.

« Je trouvais un gros décalage dans ce que je connaissais en réel et ce que je voyais en salle. »

Une fois la période compétition passée, j’ai décidé de revenir à ce qui me motivait à la base ; savoir me défendre. Donc je me suis intéressé à la self défense. Comme j’étais flic dans la rue et dans les mauvais quartier j’avais un beau terrain d’expérimentation car nous étions souvent confrontés physiquement à des délinquants. Ainsi j’ai fait un peu le tour de ce qui existait à l’époque mais cela ne m’a pas convaincu. Je trouvais un gros décalage dans ce que je connaissais en réel et ce que je voyais en salle. J’ai donc cherché seul puis avec des copains à trouver des réponses plus adaptées. La fédération ayant eu vent de mes recherches, m’a confié le projet « Savate Défense » que j’ai dirigé sur le plan technique durant 10 ans. Ensuite je me suis concentré sur mes recherches personnelles qui ont abouties à l’élaboration des méthodes citées plus haut.

J’ai également passé pas mal de diplômes annexes comme Moniteur de tir et des techniques professionnelles d’intervention, préparateur physique pro, relaxologue, massage californien et récemment un monitorat de Qi gong que je pratique assidûment tout comme le yoga. Pour finir, j’exerce la profession de formateur professionnel en gestion de conflit et du stress auprès des entreprises depuis 1998. J’ai de nombreux clients , des hôpitaux, des sociétés de transport urbain, de la grande distribution, des éducateurs etc… Cela participe à m’enrichir intellectuellement car j’apprends beaucoup d’eux. J’ai pu grâce à cela mettre au point en coopération avec Michel Benes (Ami, Président de l’ADAC et associé ) une méthodologie efficace pour faire face physiquement et contenir des personnes violentes avec qui il n’est plus possible de communiquer.

En quoi l’ADAC se distingue des autres méthodes de self-defense ?

Déjà je voudrais dire que je trouve très intéressant et utile d’avoir en France un éventail de disciplines proposées et d’enseignants qualifiés pour le faire. On ne peut pas avoir pensé à tout, tout seul et finalement tout le monde inspire un peu de tout le monde. Cela fait monter le niveau général, renouvelle les idées et permet d’envisager les choses sous un autre angle que le nôtre.

A ce titre après avoir fondé l’ADAC j’ai voulu travailler avec d’autres spécialistes et personnes de terrain. Je n’avais pas envie d’un fonctionnement pyramidal au sommet duquel je serais le grand maitre intouchable et omniscient. Je n’y crois pas un seul instant et je reste malgré (et grâce à) toutes ces années de pratique, très réaliste sur mes capacités.

C’est la raison pour laquelle j’ai invité plusieurs personnes de qualité, dont Robert Paturel pour ne citer que le plus connu, à travailler avec nous. Plusieurs cerveaux, plusieurs expériences valent mieux qu’une.

Ensuite nous nous sommes attachés à travailler sur l’avant, le pendant et l’après agression. Ceci était assez novateur il y a 20 ans (car l’Adac a 20 ans). Même si aujourd’hui les autres disciplines commencent à s’y mettre, je pense que nous sommes pionniers dans ce domaine. Ainsi, depuis le début, nous nous intéressons de près à la gestion du stress, à la communication verbale et non verbale et au fonctionnement du cerveau.

« Je considère qu’un enseignant est un révélateur de potentiel »

Techniquement, nous faisons dans la simplicité et j’ai pour coutume de dire que faire simple devient déjà assez compliqué avec le stress. Nous avons donc épuré un maximum afin que les pratiquants puissent trouver leur forme personnelle. Je considère d’ailleurs qu’un enseignant est un révélateur de potentiel. Notre pédagogie repose plus sur l’enseignement de principes et de tactiques que de techniques au sens strict .L’apprenant essaye et, in fine, fera un choix personnel entre tout ce qu’il a appris pour ne garder que ce qui marche pour lui.

Pour éviter que ceux qui n’ont pas d’expérience de la violence ou des situations à risque ne commencent à fantasmer parce qu’ils savent donner un coup de poing correct, j’ai également monté des stages de mise en situations scénarisées très réalistes (stage CATS). Au cours de ces formations ils sont confrontés à des incertitudes que l’on rencontre dans la vraie vie. Grace à mon expérience de policier, il m’a suffi de puiser dans ce que j’avais vécu ou vu pour créer des situations crédibles. Je leur apprends par ce biais, à savoir analyser une situation rapidement et à faire des choix (éviter, fuir, négocier, se battre, se soumettre). Grace à cela les pratiquants acquièrent une forme d’expérience artificielle pro active dans les situations réelles. Nombreux sont celles et ceux en 20 ans qui m’ont appelé pour me dire que cela leur avait servi à se tirer d’affaire sans dommage.

A force de recherches et de travail à plusieurs l’Académie des Arts de Combat a un gros catalogue de formations allant de l’enseignement de la self défense pour adultes et pour enfants à la pratique du tir en situation, en passant par la survie en pleine nature et à la négociation de crise et bien d’autres encore.

Comment garantir une résolution des conflits ?

Je dirais en premier lieu les facultés d’analyse et de discernement. On doit être capable de voir rapidement à qui et à quoi on a faire, d’évaluer la menace ainsi que les ressources disponibles pour prendre la bonne décision. Il faut également bien être conscient de ce que l’on est, de ce que l’on veut, et de ce que l’on est capable de faire pour y arriver.

J’insiste sur cette première étape car les informations récoltées vont être déterminantes pour votre réaction. En fonction de ces données vous allez devoir faire un choix adaptatif pour sortir la bonne carte. Selon la situation et la personne que vous avez en face, vous allez pouvoir faire preuve d’empathie ou au contraire jouer l’intimidation. Le problème est de ne pas se tromper. Tout dépend si la personne agressive l’est pour une bonne raison ou se sert de son agressivité pour obtenir quelque-chose de vous contre votre volonté. Dans le premier cas vous pouvez pratiquer l’écoute active , la faire parler et la laisser sortir sa colère pour l’apaiser et reprendre derrière en négociant. Dans le deuxième cas vous devrez poser des limites sans quoi l’interlocuteur va vous considérer comme faible et va enchainer les transgressions pour passer à l’acte. Tout cela s’apprend et quelques lignes ne peuvent résumer plusieurs heures de cours et d’exercices.

Que faire face à un individu violent ?

Je citerai les mots de Rory Miller, enseignant de self-defense américain :

  • Mieux vaut éviter que d’avoir à fuir.
  • Mieux vaut fuir que d’être obligé de négocier.
  • Mieux vaut négocier qu’avoir à se battre.
  • Mieux vaut se battre que de mourir.

 

J’ajouterai que parfois, malheureusement, « mieux vaut aussi parfois se soumettre que de mourir (exemple : menace par arme ) » même si ça fait chier. Que ceux qui se sont déjà retrouvé face à une arme chargée braquée sur soi à quelques mètres me démentent.

Que ne faut-il pas faire face à un individu violent ?

Se jeter sur tout ce qui bouge sans analyse et en laissant l’émotion prendre le pas sur la raison. Ne pas savoir décrocher quand il est encore temps.

Un bon conseil

Ecoutez tout le monde, ne croyez personne sur parole et faites votre expérience pour tirer vos conclusions personnelles.