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Eric Quequet présente le CATS

Eric, pouvez-vous nous expliquer en deux mots ce qu’est le CATS ?

CATS signifie Concept d’Adaptation Tactique en Situation. C’est une formation que j’ai mise en place en 1998, et qui vise à « faire vivre des situations » variées à des stagiaires afin qu’ils se fassent une idée plus précise de ce qui rentre en jeu lors d’une agression ou une situation à risque. Cela leur permet également de comprendre que tout ne se résout pas à coups de poings et des pieds, et qu’avoir une bonne lecture des situations permet d’éviter de se retrouver en mauvaise posture.

Ce stage agit comme un vaccin et permet de diminuer la vulnérabilité de ceux qui le suivent.

Comment avez-vous conçu cette formation ?

En fait, je constatais que, lorsque j’enseignais la self-defense, des notions liées au réalisme passaient un peu au-dessus de la tête de mes élèves. Ils restaient très attachés aux sports de combat ou aux arts martiaux et prenaient de mauvaises habitudes par rapport à ce que l’on peut voir en situation réelle. Je me suis donc posé la question de savoir comment leur faire vivre artificiellement ce que j’avais vécu « en vrai » lorsque j’exerçais le métier de policier afin que cela leur ouvre un peu les yeux.

En effet, quelqu’un qui n’a jamais été confronté à la violence n’a pas de références auxquelles s’accrocher, alors il travaille un peu dans le virtuel en se référant à ce qu’il a vu à la télé ou à ce qu’il a entendu. Pire, souvent il fantasme la violence et risque de tomber de haut si un jour il y est confronté. On se fait vite des illusions sur ce qui peut se passer ou sur sa propre habileté.

Pour la petite histoire, les fondations de la méthode se sont en partie élaborées dans les jardins de l’Elysée quand je protégeais le Président Jacques Chirac au sein du GSPR. Nous attendions souvent dans la voiture suiveuse que le Président prenne la route et parfois, cela durait longtemps. Comme j’ai toujours un carnet d’idées sur moi, je mettais le temps à profit pour poser les fondations du CATS.

De quoi est composé ce stage ?

Après la présentation de chacun vient un apport de connaissances théoriques qui, selon le stage auquel on participe, abordent des sujets tels que la gestion de l’agressivité ou du stress, la négociation, l’analyse de l’environnement, les choses à faire après une agression, etc.

Suite à cela il y a un entraînement physique, histoire que tout le monde se réveille. On y pratique des techniques simples, utilisables à froid et en état de stress. Puis arrive l’heure des mises en situation. Elles sont majoritairement tirées de mon expérience personnelle, des choses que j’ai vues de près ou de loin.

Comme dans la vraie vie, la plupart nécessitent de faire des choix, et bien sûr, toutes ne sont pas des situations d’agression. Les stagiaires sont filmés et, à la fin, on repasse tout cela sur grand écran, puis on débriefe chaque situation pour que chacun en tire parti.

Et à la fin du stage les pratiquants sont aptes à faire face à une agression ?

Cela dépend le niveau de départ. Contrairement à ce que l’on peut croire, ce sont rarement les gros pratiquants de self-defense ou de sport de combat qui s’en tirent le mieux ! Eux, ils cherchent à tester leurs techniques et tombent dans la plupart des pièges de base. Il est intéressant de remarquer que les femmes tirent bien leur épingle du jeu mettant plus facilement leur ego de côté.

En général, pour être vraiment opérationnel, l’idéal est d’avoir fait les 3 stages. Leurs enseignements sont complémentaires et l’on passe progressivement du niveau incompétent inconscient à celui de compétent conscient. N’en faire qu’un peut être déstabilisant car on prend souvent conscience que l’on était finalement incompétent là où on pensait être bon. Cela induit une perte de confiance en soi temporaire et il faut vite en refaire un, ou suivre des cours adaptés pour comprendre que le premier stage a finalement infusé en nous et que l’on ne se fait plus prendre au piège aussi facilement que la première fois !

Est ce ouvert à tous les publics ?

A la base ce genre de formation était réservée uniquement à nos adhérents, cela venait même valider les grades. Ainsi, les gens étaient évalués sur une partie technique et sur une partie tactique, je trouvais cela cohérent par rapport à la notion de défense personnelle qui, pour nous, ne se limite pas à de la technique et du physique.

Ensuite, nous avons ouvert les stages CATS à un public plus large et notamment à des non pratiquants et même à des non sportifs et même à des adolescent ou des enfants. Nous avons réorganisé nos stages pour cela. Nous avons été très étonnés du bon sens que peuvent avoir des néophytes complets et à l’inverse de l’aveuglement que peuvent avoir certains pratiquants. Nous avons également beaucoup de demandes de professionnels de tous milieux et principalement de gens confrontés à la violence dans leur cadre professionnel. Cela est très intéressant car évidemment, les situations sont plus spécifiques et nous demandent un gros travail d’observation et d’analyse de notre part. Par ce biais nous avons acquis, depuis 1998, beaucoup d’expérience.

Quoiqu’il en soit l’effectif est limité à 20 personnes par souci de qualité. Ce qui explique le prix un peu plus élevé que la moyenne de nos stages.

Quelles sont les motivations des participants ?

Les motivations sont de plusieurs ordres. La plupart des pratiquants viennent pour tester leur capacité de réaction en situation. Certain(e)s ont déjà subi des violences et viennent en quelques sorte exorciser leurs peurs. Ceux là nécessitent un encadrement particulier afin qu’ils repartent plus confiants qu’avant, c’est pourquoi on leur demande de nous en informer avant le stage. Certains viennent par curiosité pure et pour le fun, un peu comme on va faire du paint-ball ou du saut à l’élastique.

Quels bénéfices en retirent les participants ?

Cette formation améliore incontestablement la vigilance de base. Les gens « sentent » mieux les choses venir après un stage. Le fait d’avoir déjà un petit vécu, même artificiel, puisque simulé, booste considérablement le discernement. Cela donne également des conduites à tenir et surtout des attitudes à ne pas avoir.

Certains participants sont déroutés : ils s’entraînent depuis des lustres, ont gravi les échelons de leur discipline et se font avoir à la plupart des situations de base. Certains se remettent sérieusement en question, d’autres sont dans le déni. Je me souviens d’un type qui, devant le film de son passage où il sautait sur tout ce qui bougeait, sans réfléchir et donc se prenait des coups de couteau et même un coup de pistolet (fictif bien sûr) assurait qu’en réalité, s’il avait pu porter les coups à pleine puissance, il s’en serait sorti. Le samedi soir, il y a plein de gens comme lui aux urgences…

Avez-vous des retours d’expérience suite à vos stages CATS?

Depuis maintenant 16 ans que nous encadrons ce genre de stages, nous avons eu beaucoup de retours. Principalement des adhérents qui nous ont dit s’être sortis de situations délicates grâce aux conseils que l’on a pu leur donner.

Sur le plan professionnel, j’ai beaucoup de retours également, car j’y ai formé aussi un grand nombre de personnes. Je les revois systématiquement au minimum un mois après leur formation pour une journée de rappel et de retour terrain, et franchement ça marche !!! A tel point que je ne travaille que par le bouche à oreille depuis 1998 ! Il m’arrive aussi de temps en temps de recevoir un coup de fil d’une personne qui a suivi le CATS des années avant et qui veut me remercier car il vient récemment de subir une tentative d’agression et qu’il s’en est sorti grâce à cette formation. Il y a aussi peut-être des gens qui n’ont rien pu faire et qui ne m’ont pas appelé… Quoiqu’il en soit, c’est très satisfaisant de savoir que des personnes se sont tirées d’affaire grâce à vos conseils.

Êtes-vous seul à encadrer ?

Non, heureusement j’ai formé une équipe. C’est de loin le stage le plus dur à encadrer. Il demande beaucoup de connaissances et notre responsabilité est grande par rapport à nos stagiaires. On ne peut pas se permettre de raconter n’importe quoi. De plus, il y a des risques qu’il faut savoir anticiper et prévenir.

En effet, nous nous efforçons de faire ces formations dans des environnements non sportifs. Cela est très bénéfique de sortir du cadre aseptisé d’une salle de sport mais plus délicat en pratique car les risques de se blesser sont plus grands. Les encadrants doivent donc avoir repéré les lieux, définir des zones où les situations sont possibles, savoir arrêter quand il faut, etc.

De plus, sous stress, certains participants peuvent réagir « bizarrement ». Il faut avoir du feeling, anticiper les réactions et parfois alléger des situations. Ensuite et surtout, il faut savoir analyser chaque situation et justifier les bonnes ou mauvaises réactions de chaque participant, ce n’est pas donné à tout le monde.

Par conséquent, j’ai choisi des gens minimum du niveau Formateur ADAC (2e niveau d’enseignant) et qui continuent de se former. Ils doivent avoir des notions approfondies de la gestion de conflit et du stress en plus d’un très bon niveau de pratique en Défense de rue. Bref, ma petite équipe se compose d’une dizaine de personnes que j’ai formées spécifiquement et à qui j’ai donné autorisation d’encadrer des stages CATS. Chacun ensuite apporte sa pierre à l’édifice en vue d’améliorer le concept. On a d’ailleurs de beaux projets à ce propos. La principale difficulté à ce jour est de trouver des lieux pour organiser ces formations (lycées, université, grande salle plusieurs locaux couloirs etc.

De plus, et il ne faut surtout pas l’oublier, chaque stage CATS est une occasion d’avancer un peu plus sur le chemin et de se poser des questions (du côté des stagiaires et du côté des encadrants). Celui qui n’a que des certitudes n’avance plus. Nous accompagnons les gens pour cela, en toute sécurité et sans jugement. Petit plus, on pique tous ensemble de franches rigolades.