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Comment un agresseur repère-t-il sa victime ?

Quels sont les différents types d’agression ?

Il faut tout d’abord distinguer les agressions survenant en réaction à quelque chose qui a été vécu comme une atteinte de celles qui sont dues à un projet délinquant. Il ya également un autre type qui a à voir avec des pathologies spécifiques (exemples : schizophrénie ou diabète).

Premier cas

Dans le premier cas, l’individu réagit à ce qu’il considère comme une atteinte. Il nous est tous arrivé de nous faire doubler dans une queue au cinéma. Le premier sentiment que l’on ressent est celui d’injustice. Ce puissant moteur peut nous pousser à faire une réflexion à l’adresse du « tricheur » : si celui-ci rétorque ou ne s’excuse pas, cela peut déboucher vers une situation conflictuelle, voire s’acheminer vers un passage à l’acte, si tant est que l’on est déjà énervé, fatigué ou tout simplement de nature violente. Il ya une multitude d’occasions de se sentir agressé dans la vie de tous les jours. Pour certains, un regard trop appuyé est déjà vécu comme une agression ainsi que le fait de se faire doubler en voiture. Il est à noter, d’ailleurs, que ce sont les personnes les moins confiantes en elles qui se sentent le plus facilement agressées.

Deuxième cas

Dans le deuxième cas, l’agression est la résultante d’une stratégie délinquante. Celui qui a choisi de voler les gens pour gagner sa vie met en place une organisation pour arriver à ses fins. Celle-ci est bien résumée dans ce qu’on appelle « la règle des 5 D ». Une phase de Détection, une phase de réduction de la Distance, une autre où s’établit un Dialogue test avec un éventuel Détournement d’attention pour déboucher sur des Dommages (vol, viol…). D’autres stratégies existent comme celles du type « attaque de banque », où l’agresseur va, par son action violente, sidérer tout le monde pour agir tranquillement. Il peut encore agir par surprise totale comme lors d’un vol de sac.

Troisième cas

Dans le troisième cas de figure, on a à faire à des personnes malades. La caractéristique est qu’il est difficile de raisonner ces clients-là, leur néocortex étant déficient par la maladie ou l’absorption de substances toxiques dont l’alcool. Il en résulte une grande imprévisibilité réactionnelle. On m’a raconté récemment qu’un type costaud dormait dans le métro lorsqu’un passager est venu s’assoir à côté de lui. Réveillé en sursaut, le costaud a sauté sur son voisin et l’a frappé très violemment à plusieurs reprises avant de « descendre ». On imagine facilement que ce monsieur avait de sérieux problèmes psychologiques et que ses urines n’étaient pas claires.

Y a-t-il un profil type de victime ?

On peut dire qu’il y a des caractéristiques communes aux personnes qui se font agresser. Mettez-vous un instant à la place d’un agresseur : votre ambition est d’avoir le maximum de bénéfices pour un minimum de coûts. Vous allez ainsi sélectionner le type de personnes que vous allez agresser. Vous allez choisir l’élément faible du troupeau comme le font les prédateurs mammifères dans la nature.

Comment reconnaît-on un élément faible ?

Généralement, c’est facile à voir : la démarche n’est pas assurée et souvent désynchonisée par rapport aux autre personnes. Obervez les touristes dans le métro : ils marchent plus lentement que les autres, souvent au milieu des escalators, ils ont le nez en l’air pour repérer les indications… Bref, on sent qu’ils ne sont pas chez eux et que cela les insécurise un peu, comme vous quand vous allez dans un pays étranger. Si je suis l’agresseur, je vais passer à la phase deux, m’approcher. C’est un test en soi. En effet, passé une certaine distance, si la victime potentielle ne réagit pas, c’est soit qu’elle manque de vigilance, soit qu’elle n’ose pas réagir. Je vais donc enchaîner par un éventuel dialogue pour confirmer mes impressions. S’il ou elle n’ose pas me regarder ou qu’elle balbutie, c’est tout bon pour moi. Je continue par une autre trangression : toucher la personne. En fait, l’agresseur va toujours se permettre plus si on ne l’arrête pas.

Y a-t-il des choses à faire pour le dissuader ?

Dans un premier temps et quand on connait les genres de risques auxquels on peut être confrontés, il est de bon aloi de prendre des précautions de base. Etre vigilant me parait être essentiel. A l’époque où plus personne n’est capable de prendre les transports en commun ni même marcher dans la rue sans regarder son portable, ni sans casque sur la tête, je pense qu’il y a fort à faire de ce côté. Je balaye du regard mon environnement. Si quelqu’un se rapproche trop, je le regarde d’abord, et s’il continue, je me déplace. S’il continue encore, je l’arrête avec la voix et le geste (barrière physique). Quand on est attentif à tout ce qu’il y a autour, on voit plein de choses, et notamment ceux qui sont en train de repérer.

Ensuite, on évite d’exposer ses objets de valeurs (bijoux, montre, portable, etc). Cette règle de base est très rarement respectée et je m’étonne toujours de voir le nombre de sacs à main ouverts à portée de main.

La détermination palpable dans le regard, l’attitude et la façon de bouger sont aussi très dissuasives. A ce titre, la pratique des arts martiaux ou autres sports de combat ou arts de défense aide beaucoup. On se sent plus confiant et ça se voit. On a moins peur du contact physique et aux yeux du délinquant, nous pouvons devenir un problème. Et donc, pour lui, c’est plus dangereux (le coût est plus grand que le bénéfice). Il est à noter quand même que certains individus (pathologiques) sont motivés pour attaquer les grands balèzes. J’ai pas mal de copains très costauds et très dissuasifs qui se font brancher régulièrement pas des biscottes. Attention car dans ce cas, la personne est peut-être armée ou a des copains prêts à intervenir, ou bien encore elle excelle en baston de rue et se fixe des challenges.

Si toutefois vous arrivez au stade où vous devez tenir quelqu’un à distance, il va falloir « être cohérent » donc avoir le regard qui va avec l’attitude, avec la voix et avec les mots. A l’Académie des arts de combat, nous avons développé un module sur le thème de la « gestion de la phase pré agressive ». Pour nous, c’est essentiel.

Comment puis je m’entrainer à modifier mon comportement ?

En participant à des stages de mise en situation CATS où vous vous verrez agir en situation. Vous pourrez, avec l’aide du formateur, faire un débriefing et voir ce qu’il y a à modifier. J’ai bâti ces stages en 1998 avec mon expérience du terrain et beaucoup de travail d’analyse. Maintenant, j’interviens dans des entreprises pour aider les professionnels à faire face à des publics agressifs. J’ai acquis une expérience beaucoup plus large.

Sinon, ou en complément, utilisez votre miroir, exactement comme le faisait Vincent Cassel dans le film La Haine. Apprenez à jouer avec votre corps comme un acteur, à mettre une émotion et à l’exploiter. Je raconte souvent comment un des mes amis a « retourné le cerveau » de trois types qui voulaient lui casser la tête dans une soirée. Il a joué à fond le rôle du mec qui n’a pas froid aux yeux et qui est prêt à tout, ce qui a complètement dissuader les agresseurs. Pourtant, il ne sait pas se battre et n’est pas du tout en forme physiquement. Le truc de base à savoir est que ce que l’on ressent à l’intérieur se voit à l’extérieur. Il faut donc apprendre à mettre la bonne intention à l’intérieur et le reste suit.

On parle beaucoup d’agression gratuite type « happy slapping »… Y a-t-il moyen de s’en protéger ?

Je ne vois que la vigilance, même si elle a ses limites : on ne peut pas être toujours vigilant, ce serait trop coûteux pour l’organisme. Je pense que ce genre d’agressions n’est pas si courant que cela et que flipper de tout en permanence aura surtout comme conséquence de nous gâcher la vie pour finalement un risque assez faible de se faire agresser. Il est vrai que mon analyse est peut être influencée du fait que j’habite en pleine campagne maintenant et que les vaches sont plutôt courtoises par chez moi. J’ai toutefois entendu parler d’un renard qui est venu bouffer les poules du voisin… Comme quoi, nulle contrée n’est préservée de la délinquance.